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CHICOUTIMI - Le décor est assez dégueulasse. Un cendrier plein de mégots, des bouteilles de bière vides, des chaussettes sales sur le plancher, un matelas souillé, des pelures de bananes jonchan le sol, des graffitis sur les murs et des vêtements trainant partout dans la salle d’exposition Le Lobe. L'artiste a l’air aussi poussiéreux et désordonné que sa performance. Grand, mince, mal rasé, t-shirt délavé et espadrilles usées.

Son langage est cependant beaucoup plus soigné. C’est un chef d’orchestre et grand amateur de musique classique. Il donne à l’occasion des concerts en tant que chanteur contre-ténor. Il vient de la Belgique et il complète une résidence d’un mois à la salle Le Lobe à Chicoutimi. Jérôme Prosperger fait cohabiter le classique et le sale, la musique des grands compositeurs avec le désordre et le laid.

« Je jette un gros pavé dans la marre. Je veux démontrer que la musique classique n'est pas seulement l'affaire des bourgeois et des intellectuels qui s'accaparent cette musique et qui donnent des concerts dans de salles des dorures et du velours satiné sans la partager avec les autres, clame le Belge campé dans un décor merdique soulignant au passage que Mozart est run des premiers punks de I’histoire. Ils font bien de petits concerts en plein air à l’occasion, mais ce n'est pas assez » ajoute-t-il.

« J'ai fait du trottoir pour interroger les passants et je me suis rendu compte que peu de gens connaissaient la musique classique, même chez mes amis proches. J'ai donc décidé de leur faire découvrir cette musique dans un contexte différent, le matin dans mon appartement après une nuit bien arrosée ou encore en organisant des concerts invisibles dans la rue comme un DJ en proposant des extraits sonores à ma manière. »

« Quand les gens pensent à la musique classique, ils imaginent un opéra, des petits vieux bien assis dans une salle de spectacle. Le classique est mal perçu par une majeure partie de la population, la considérant comme quelque chose de beau, mais d’inaccessible. Ici, je veux casser l’image traditionnelle en proposant un lieu normalement non destiné à accueillir du classique », explique Jérôme Porspeger qui marche au travers des détritus sur le plancher d’un appartement mal famé, en désordre et sale, le décor qu’il a choisi pour faire écouter de la musique classique.

« Le Lobe m'a donné carte blanche pour ma résidence mois, j’ai pu faire ce que je voulais, même faire des graffitis sur les murs. C’est une occasion extraordinaire pour un artiste d’avoir cette liberté » concède celui qui part pour New York la semaine prochaine.

Le DJ de musique classique propose durant tout le mois une diffusion d'une sélection pointue traits de musique classique dans les rues du centre-ville de Chicoutimi (en vitrine-écran de Séquence au 132 Racine Est). Jérôme Porsperger a aussi joué au facteur musical en distribuant des disques aux résidents du quartier des compositeurs à Chicoutimi dans les rues Mozart, Chopin, Massenet, Bach et Ravel (derrière l'hôtel Le Montagnais).

Le personnage déjanté, un virtuose de l’histoire de la musique classique, choque un peu avec cette approche dérangeante qui sort le classique de son confort, mais qui collabore à décoincer cet environnement musical.

Roger Blackburn

Le classique côtoie le laid

Le Quotidien - 04/2011