D.J. de musique classique, Jérôme Porsperger mixe et chante dans des lieux improbables. Sur une autoroute, un chantier ou à la Cité administrative.
Dans la vidéo « Opera Autorouta » vous posez un regard décalé sur la fragilité humaine. Il s'agit d'une intervention éphémère, qui laisse peu de traces. Le corps et l'espace sont les matériaux de base. J'ai voulu partager une intimité, à travers la promenade dans des lieux inhabituels, inédits, oubliés de l'autoroute. Je suis comme un insecte discret qui fait un constat poétique de l'autoroute et du monde en général. Je propose une vision de la voie routière, autre que rectiligne. J'interroge aussi la notion de vitesse qui empêche d'observer le paysage. C'est une proposition de voyage qui montre également la vulnérabilité du corps dans ce type d'environnement. À un moment, je chante sur un pont un air de Puccini. Il y a recréation d'une mise en scène dans le monde réel. C'est aussi une manière de faire résonner la musique là où elle n'a jamais résonné. La vidéo dure quinze minutes. Le premier jour, je constate, et le second, je fais la fête.
Vous produisez régulièrement des « Concerts invisibles », quel en est le concept ?
Je propose des morceaux de musique classique dans un contexte urbain et environnemental inhabituel. Ils sont soit présentés dans leur version originale, soit régulièrement mixés à d'autres sons, scratchés, transposés, superposés... Et morceau après morceau, une atmosphère d'écoute s'installe. Tout au long de la performance, j'adopte une gestuelle vivante en communication avec le public. L'idée est d'ouvrir et de faire partager la musique classique à des gens de tous âges, cultures, origines et couches sociales.
Chaque lieu représente un défi
J’essaie de plus en plus de tester mes limites, d'aller au bout de celles-ci. Il m'est arrivé de mixer dans le froid, dans une forêt où il s'est mis à pleuvoir, en hauteur sur le chantier Anspach, onze heures d'affilée dans les jardins de la Cité administrative pour la fête nationale, dans le hall de la Bourse... J’aimerais aussi mixer au sommet d'une grue, au bout du bras ou sur une passerelle de laveur de vitres, pour avoir des sensations vertigineuses. L'idée est de sortir du confort habituel d'une salle de concerts pour que le message passe plus fort et de travailler sur une échelle temporelle décalée. Pour mieux brouiller les frontières.
Comme lors du parcours de voitures tunées de l'Atomium à la Bourse ?
Cette performance permet de croiser deux mondes parallèles : la musique classique et les tuners, qui vivent sur une autre planète. Après les avoir contactés, j'ai débarqué un samedi soir à La Louvière, dans un hangar avec deux cents voitures tunées dans le fond. Je leur ai exposé le projet et ils étaient très enthousiastes, notamment à l'idée de pouvoir donner une autre image de leur activité. Je mixe et le son est envoyé vers un émetteur qui diffuse sur une onde radio provisoire, dans un rayon de quelques centaines de mètres. Les automobilistes se branchent tous sur la même fréquence et le son sort de chacune des installations sono des voitures.
Ondes spatiales
Victoire (Le Soir) - 04/2009