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Il y a eu le quai aux Péniches et le kiosque du Parc royal cet été. Le hall de la Bourse de Bruxelles, la giga-cantine de la Cité administrative, bientôt le Beursschouwburg. Et bien d'autres lieux inhabituels encore, bruxellois pour l'instant, que depuis près d'un an, Jérôme Porsperger investit de ses « Concerts Invisibles »

Diplômé en formation musicale à l'académie de Court-Saint-Etienne puis en tant que bio-ingénieur en aménagement des territoires à la faculté de Gembloux, ce DJ mélomane opère une synthèse des deux disciplines : la musique classique et l'environnement. Sa démarche est peu banale, et vise à rendre la musique classique accessible au plus grand nombre, de manière interactive et inédite. Il s'agit de faire découvrir des morceaux sans contraindre le public au silence, de rattacher cette musique à un espace architectura/ ou urbain et de l'en colorer, l'en habiller.

Des chants byzantins à Klaus Nomi en passant par Chopin, le répertoire fouillé semble inépuisable. La musique classique est très riche. Son histoire compte une trentaine de génies, en tête desquels on trouve Bach (baroque), Mozart (classique), et Beethoven (romantique), appuie Jérôme Porsperger. Lorsque le CD a percé au milieu des années 80, les gens ont jeté leurs vinyls. Depuis une dizaine d'années, je sillonne les brocantes et j'ai acheté des milliers de 33 tours à un euro environ, des origines de la musique classique à l'époque contemporaine. C'est devenu une obsession, c'est ce que j'écoute les trois quarts du temps. Mais je reste aussi ouvert aux autres tendances. Aujourd'hui, j'écoute beaucoup et je sélectionne très vite.

A partir de sa table de mixage, Jérôme explore plus de 500 ans d'évolution musicale. A sa guise, le public choisit un texte ou une image associée à un extrait. Ceux-ci sont piqués sur un tableau où sont inscrits à la craie le compositeur et le titre de l'œuvre. Chacun est libre de mouvement et de parole, l'instant est convivial : le public bavarde, bouquine, se sustente, ou réagit.

Le projet se veut également multidisciplinaire. Des artistes de tous bords, danseurs, comédiens, plasticiens... sont invités à s'exprimer librement, durant les prestations, et à enrichir le projet. Comme ce samedi après-midi au Parc royal, où des danseurs de la roupe de Teresa de Keersmaeker ont improvisé quelques envolées. Dans la Cité administrative, l'artiste Boas Toorgeman, qui fait aujourd'hui partie intégrante du projet, « habillé la cantine géante telle une cathédrale, parée de vitraux réalisés à partir e feuilles de papier cigarette L'idée étant de « lier l'espace à la musique par des réactions visuelles et éphémères, à partir de matériaux pauvres ».

Le travail de DJ ne se limite plus au monde de la nuit, on le retrouve dans la publicité, la mode, les émissions télévisées…, poursuit Jérôme Porsperger. En tant que DJ de musique classique, j'essaie simplement une autre manière de l'aborder, afin de casser les a priori. Je ne pense pas que tout le monde soit prêt à écouter une symphonie ou un opéra en entier, j'en extrais donc ce qui me paraît le plus remarquable, le plus attaché à notre époque. Passer d'une époque à une autre, d'un style à l'autre permet beaucoup de créativité. Aujourd'hui, le DJ est capable de créer un moment musical intense à partir de morceaux existants, qu'il s'agisse de techno, d'électro, de hip-hop, de reggae ou de musique classique » contemporaine.

De là à être considéré comme un gourou, le pas est vite franchi. Ce phénomène, d'abord lié à la musique électronique, peut s'expliquer, selon Jérôme, par le fait que le mou- vement techno, dans sa globalité, est apparu plus ou moins au même moment que le rock a commencé à s'essouffler. Il est logique que les stars du rock aient été remplacées par les stars de la techno : les DJ. La musique techno au sens large est capable de canaliser des milliers de personnes dans une même soirée, elle a un effet hypnotisant collectif, le DJ est le maître de la cérémonie... De plus, la loi du Star-System fonctionne : si une musique a du succès on va créer des personnages phares associés. Dans notre société, fan de progrès techniques, le DJ stigmatise ces dernières évolutions, il en est le porte-parole. [C. Ca.]

Concert Invisible

VICTOR (LE SOIR) - 01/2004